KAUFER Irène, Dibbouks (Paris : L’Antilope, 2021)

18,00

Après le décès de son père, rescapé de la Shoah, sa fille part dans une quête familiale désespérée. Elle découvre un film témoignage de son père dans lequel il raconte avoir eu une enfant avant la guerre, enfant disparue en déportation. Est-elle morte, se demande la narratrice qui, à partir de ce moment, n’a de cesse de la retrouver. Recherches et hasards vont la mener à Montréal où elle rencontre enfin sa demi-sœur, Mariette. Mais leurs souvenirs ne correspondent pas. Au fil du récit, l’histoire du père révèle un homme double. Le lecteur finit par en être totalement troublé. Ce roman renouvelle le genre de la recherche de l’histoire familiale : les doutes de la narratrice deviennent ceux du lecteur. Si les faits sont graves, la manière de les relater est légère, souvent drôle… [LIBREL.BE]

Catégorie :

Description

“Le jour où vous décidez de tourner la première page du dernier ouvrage d’Irène Kaufer, Dibbouks, calez-vous confortablement et ne prévoyez rien d’autre de votre journée… conseil d’amie !

L’enquête que mène la narratrice à la recherche de sa dibbouk est de celle qu’on ne lâche pas, qui nous tient en haleine, pas tant en raison d’un suspense insoutenable qu’en raison des émotions qu’elle procure. Ou comment traiter d’un sujet historiquement et humainement douloureux avec délicatesse, humour et justesse. À la recherche de sa dibbouk (dans la croyance populaire juive, le dibbouk est l’âme d’un mort qui vient s’incarner dans le corps d’un vivant), vous disiez ?

Le dibbouk de la narratrice s’appelle Mariette. Demi-sœur, première fille de son père, assassinée en Pologne en 1942, Mariette est de ces morts mal morts, qui n’ont pas réussi à franchir les portes bien gardées de l’autre monde. Errants, ils s’incrustent dans les corps des vivants et ne trouvent le repos que lorsqu’ils obtiennent réparation du tort subi.

Mariette, donc, hante le corps de la narratrice qui vit depuis toujours des situations inexplicables “rationnellement” : des portes automatiques qui ne s’ouvrent pas à son approche, une empreinte digitale qui ne s’imprime pas, des traces de pas dans le sable qui s’effacent. Une vie de doutes. C’est dans le but de les lever que la narratrice, dont on ne connaîtra jamais le nom mais dont on devine assez aisément qu’il s’agit de l’autrice elle-même, fait appel à une détective privée.

Consciente de vivre parce que d’autres sont morts après que son père lui ai révélé l’existence de cette demi-sœur, assassinée dans un camp de concentration, elle se lance à la quête de Mariette. C’est alors que réalité et fiction s’entrechoquent au point de perdre la lectrice attentive que je suis sans que cela ne soit une seconde dérangeant tant la chose est habilement amenée. La détective localise Mariette à Montréal et nous embarquons alors avec la narratrice qui n’y va pas tant pour faire sa connaissance que pour retrouver sa propre unité, son socle qui lui permettrait d’enfin vivre, débarrassée de sa dibbouk née de ces secrets de famille dont on sait combien ils peuvent être dévastateurs.

Quelques fois, en pleine conversation, je perdais soudain le contact, saisie par l’impression que les gens ne prononçaient que des syllabes sans signification et s’agitaient avec des gestes désordonnés. Par moments, j’avais l’impression de me dédoubler, jusqu’à craindre que me voyant deux, les autres hésitent à me serrer la main, ne sachant vers laquelle se diriger. À d’autres moments, je me sentais sur le point de disparaître, j’évitais de m’attarder devant les miroirs, de peur de voir mon image s’effacer peu à peu

Cette quête d’identité va ainsi mener la narratrice à la rencontre de sa demi-sœur, mais aussi d’un père qui aurait été double. Deux demi-pères qui auraient mené la même vie, naissance en Pologne, l’ambition de devenir médecin, le départ pour Prague, l’apprentissage de la plomberie par nécessité, la rencontre de sa première femme, Mariette, la guerre, les camps, avant que leurs destins ne se séparent, l’un s’installant au Canada, l’autre en Belgique. C’est alors, dans le récit de cette enquête, ou quête personnelle, que l’autrice parvient à nous égarer et à nous mener par le bout du nez.

Autobiographique, ce roman ?

Un dibbouk peut-il tourmenter un autre dibbouk ? Peut-il sauter les continents et les générations ? Mais alors, comment exorciser de son dibbouk un corps qui n’a lui-même aucune certitude quant à sa matérialité ?

Dans son récit, Irène Kaufer, l’autrice, met les maux en mots, comme elle le dit dans le magnifique podcast du magazine axelle “Créatrices” qui lui est consacré. Dans cet entretien, elle explique combien ce livre est cathartique.

Mettre les maux en mots, c’est juif, c’est féministe et c’est très personnel. Et, un jour, ça fait des livres.

Quoi qu’il en soit, sa lecture mêle malaise et rire, doute et effroi par son écriture directe ainsi que par l’humour, étonnamment mais continuellement présent. Cet humour des dominées qui se moquent d’elles et d’eux-mêmes tout comme des dominants permet de supporter les choses, dit-elle. Et distillé ainsi à travers les pages de Dibbouks, il nous offre quelques respirations bienvenues dans cette lecture en apnée.”

d’après July ROBERT, pour les Grenades-RTBF

Informations complémentaires

Editeur

L'Antilope

Parution

2021

EAN

9782379510502

Format

broché, 224 pages

Avis

Il n’y a pas encore d’avis.

Soyez le premier à laisser votre avis sur “KAUFER Irène, Dibbouks (Paris : L’Antilope, 2021)”

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *